Discours de S.A.S. le Prince Albert II de Monaco lors du débat général de 75AGNU

Discours de S.A.S. le Prince Albert II de Monaco lors du débat général de 75AGNU

Publié le 24 septembre 2020 à 12h00 - Mis à jour le 25 juillet 2023 à 03h03

75ème Assemblée Générale des Nations Unies

Discours de S.A.S. le Prince Albert II – Débat Général

24 septembre 2020

 

 

Monsieur le Président de l’Assemblée générale,

Monsieur le Secrétaire général,

Mesdames et Messieurs les Chefs d’État et de Gouvernement,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

 

Les circonstances particulières du débat général de cette 75ème session de l’Assemblée générale sont anecdotiques quand, depuis des mois, des familles, des communautés, des pays sont pris dans la tourmente de la pandémie de la Covid-19 et de ses conséquences.

Je tiens à saluer ici le leadership de Son Excellence le Professeur Tijjanni Muhammad-Bande. Il a su maintenir le cap dans des moments particulièrement difficiles et permettre à l’Assemblée générale de poursuivre l’essentiel de ses travaux.

Je tiens aussi à remercier chaleureusement le Secrétaire général, António Guterres, et à travers lui tout le personnel des Nations Unies, qui n’a eu de cesse de mobiliser le système onusien jusque dans les zones de conflits et ce, afin de protéger les plus vulnérables.

Les réformes des activités de développement ont permis une coordination efficace des équipes de terrain et ont mis en valeur les compétences, le dévouement et le courage de ces femmes et de ces hommes qui œuvrent au quotidien pour honorer les mandats que nous leur avons confiés.

Monsieur le Président Bozkir, vous avez donné la prééminence à la concertation et à la coordination, pour que les États membres relèvent les immenses défis dans un esprit d’entraide et d’efficacité.

Vous savez pouvoir compter sur l’entière coopération de ma délégation alors que la Principauté de Monaco exerce l’une des Présidences de cette 75ème session.

Monsieur le Président,

Ces dernières années, le monde a subi une succession de crises que nous avons dû affronter dans cette enceinte : la montée du terrorisme, l’intensification des flux migratoires, les bouleversements climatiques, la crise financière de 2008 et maintenant la pandémie qui génère une crise économique et sociale.

En dépit de ces obstacles majeurs, nous avons adopté des lignes directrices novatrices : le Programme de développement à l’horizon 2030 et ses ODD en 2015 ainsi que l’Accord de Paris sur le climat en 2016 et le Pacte mondial pour des migrations sûres en 2018, pour ne citer que ceux-là.

Le système international est toutefois déstabilisé et le multilatéralisme remis en cause. Dans un contexte où ressurgissent des tendances nationalistes et protectionnistes, il est vital que nous nous mobilisions de façon coordonnée et solidaire.

Aucun État, quels que soient sa taille, sa puissance militaire ou économique, ne peut affronter seul les enjeux internationaux actuels.

L’interconnexion de nos États impose une réponse collective aux menaces transnationales qui mettent à mal les progrès durement acquis et fragilisent la paix et la sécurité internationales.

L’arrêt brutal imposé à nos économies par le confinement nécessaire a impacté nos ressources.

Monaco, résolument attaché au multilatéralisme et à ses institutions, s’est acquitté de ses engagements statutaires et continuera à se conformer à ses obligations. Fidèle à sa tradition de solidarité envers les plus vulnérables, la Principauté a ainsi participé à l’effort collectif pour lutter contre la pandémie, notamment en répondant à l’appel mondial d’urgence lancé par les Nations Unies.

Monsieur le Président,

Le Secrétaire général a appelé à bâtir un multilatéralisme de réseaux regroupant toutes les agences, organisations et entités, locales, régionales et internationales. C’est en effet en se montrant plus inclusif, à l’écoute de tous, que nous pourrons être assurés « de ne laisser personne de côté ».

A ce titre, les femmes et les filles ne sauraient être plus longtemps mises à l’écart d’un tel mouvement en cette année marquée par un triple anniversaire : les 25 ans de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, les 20 ans de l’adoption de la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur « les Femmes, la Paix et la Sécurité » et les 10 ans de la création d’ONU Femmes.

Voilà 25 ans que l’égalité femmes/hommes est à notre agenda et pourtant les femmes et les filles constituent toujours le principal groupe touché par les inégalités.

Malgré certains progrès, la situation dans le monde évolue extrêmement lentement.

De surcroît, le rapport 2020 sur les Objectifs de développement durable souligne le lourd tribut que les femmes paient face à la crise rendant encore plus distante la réalisation de l’ODD 5.

D’une part, les femmes sont les plus impliquées dans la lutte contre la Covid-19 et donc les plus exposées à la contamination, et d’autre part, une forte et intolérable augmentation des cas de violence domestique est à déplorer ainsi qu’un taux particulièrement élevé de déscolarisation des filles.

Mon Gouvernement s’est résolument engagé à défendre les intérêts des femmes et poursuivra, au travers du Comité pour la promotion et la protection des droits des femmes, créé en 2018, son action en faveur de la réduction des inégalités et la lutte contre les discriminations et les violences, dont les femmes sont encore trop souvent victimes.

C’est aussi en écoutant et en faisant confiance à la jeunesse que nous construirons un avenir plus robuste et plus durable.

L’inclusion politique est une demande centrale de la jeunesse. L’année passée, beaucoup d’entre nous ont salué l’engagement dont ont fait preuve les jeunes sur la question du climat.

Aujourd’hui, si les jeunes sont moins affectés par le virus de la Covid-19, ils subissent de plein fouet la crise économique qui en découle. Nombre d’entre eux sont concernés par des statuts précaires qui ne leur procurent pas la protection sociale. D’autres se retrouvent coupés de tout moyen d’accès à l’éducation. Il est indispensable que nous établissions des dispositions spécifiques afin d’éviter que nos jeunes ne se retrouvent enfermés durablement dans le piège de la pauvreté.

Monsieur le Président,

Si les nouvelles technologies ont largement participé au développement de nos sociétés, elles contribuent malheureusement à l’essor d’un nouveau contexte d’insécurité. Ces derniers mois ont formidablement accéléré la transition numérique, mais ces progrès se sont accompagnés également d’une explosion des cyber-attaques.

Le cyberespace est désormais une zone d’affrontements à part entière, au même titre que la terre, la mer et le ciel.

Que devient la souveraineté à l’heure du numérique, quand la sécurité, le droit, l’économie, la fiscalité et la monnaie sont remis en cause ? Il convient, à mon sens, de s’entendre sur des règles communes afin d’édicter des mesures d’encadrement et de bonne conduite. Cela n’est pas seulement la garantie d’un meilleur fonctionnement de nos institutions, mais c’est aussi l’assurance de préserver la souveraineté des États et les libertés individuelles.

En même temps, la vague de désinformation s’est intensifiée notamment au travers des réseaux sociaux ces derniers mois. Nos sociétés sont vulnérables à ces manœuvres. Aussi, je salue la campagne de sensibilisation lancée par les Nations Unies afin de lutter contre l’infodémie.

Monaco a entrepris de se doter de compétences numériques fortes pour, d’une part, capter les nombreuses opportunités qu’offre le numérique en matière économique et environnementale et, d’autre part, s’assurer d’un développement durable et respectueux des personnes.

Ainsi, le modèle numérique responsable et durable que j’ai voulu pour mon pays s’accompagne non seulement d’investissements importants en infrastructures, formations et aides aux entreprises mais également de l’édiction de règles législatives.

Monsieur le Président,

On ne peut aborder ce nouveau contexte d’insécurité sans évoquer la gravité de la crise climatique. Les catastrophes naturelles de grande ampleur vont s’intensifier et provoqueront, nous le savons, des situations humanitaires d’urgence, des déplacements de populations. Ces catastrophes auront un impact sur l’accès aux ressources naturelles. Ces phénomènes sont des vecteurs d’instabilité politique et de conflits.

La pandémie actuelle a démontré à quel point nous sommes vulnérables lorsque nous détruisons les écosystèmes planétaires. Les scientifiques sont clairs à ce sujet et nous devons nous attendre à un risque accru d’épidémies de ce genre si nous ne changeons pas nos comportements.

Le ralentissement de nos activités imposé par la pandémie n’a pas infléchi la courbe de la hausse des températures ni réduit la destruction de la nature.

Aussi, les reports des grands rendez-vous environnementaux ne signifient pas une suspension sine die de nos engagements mais appellent bien au contraire à un redoublement de nos efforts. L’urgence est toujours là et, plus que jamais, une mobilisation de tous est nécessaire.

A ce titre, je tiens à saluer l’initiative du Secrétaire général de convoquer un Sommet sur la Biodiversité, lui accordant ainsi sa juste place au cœur de notre agenda politique. La décision collective de le maintenir, le 30 septembre prochain, en dépit du contexte sanitaire, confirme cet engagement auquel je souscris pleinement.

Monaco est, et demeure, résolument engagé pour la protection de l’environnement et le développement durable. Que ce soit en poursuivant la transition énergétique, en accélérant le développement de la mobilité douce, ou en faisant la promotion de l’économie circulaire, la Principauté a placé l’évolution des modes de consommation et de production au cœur de son projet de société. Chaque volet de l’action du Gouvernement monégasque doit s’inscrire dans les exigences d’un développement durable. Telle est la ligne que je lui ai fixée dès 2005.

Monsieur le Président,

Alors que la crise actuelle a focalisé une grande partie de l’attention mondiale sur les chiffres de la croissance et sur la relance de l’économie, il y a un risque important que nous nous détournions des autres piliers du développement durable. 

Aussi est-il fondamental de saisir l’opportunité qui nous est offerte de repenser nos modèles économiques et sociaux en s’appuyant sur des principes respectueux de l’environnement.

Plus que jamais, la feuille de route que nous avons établie en 2015 doit nous guider dans cette période de grande incertitude. Plus que jamais, la pandémie de la Covid-19 démontre qu’il est crucial d’atteindre les objectifs définis par le Programme de développement à l’horizon 2030, l'Accord de Paris sur le changement climatique et le Programme d’action d’Addis Abeba.

Pour ce faire, un surcroît d’ambition et de mobilisation est nécessaire, non seulement pour vaincre la Covid -19 mais aussi pour adapter nos instruments de coopération multilatérale.

La période de distanciation sociale que nous vivons doit faire résonner en nous les mots « Ne laisser personne de côté » que nous avons mis au cœur des O.D.D. et ceux sur lesquels s’ouvre le Préambule de la Charte des Nations Unies « Nous, peuples des Nations Unies », afin accroître notre solidarité.

Je vous remercie de votre attention.

Retrouvez la vidéo de ce discours sur: http://webtv.un.org/search/monaco-débat-général-75e-session/6194203130001/?term=&lan=french&cat=75th%20Session&sort=date&page=10